Canal Carpien
Le syndrome du canal carpien est favorisé par la répétition de certains mouvements ou postures de la main ainsi que par certaines maladies.
Qu'est-ce que c'est?
Il s’agit d’une affection très fréquente. Le syndrome du canal carpien (SCC) est provoqué par une augmentation pression sur le nerf médian lorsqu’il chemine dans une zone étroite au niveau du poignet appelée « canal carpien ». Les symptômes peuvent inclure engourdissement, fourmillements et douleur au bras, à la main et aux doigts. Le canal carpien est un espace anatomique fermé dans le poignet dans lequel le nerf médian et neuf tendons passent de l’avant-bras à la main (voir la figure 1)
Figure 1 : Le nerf médian pénètre dans le canal carpien en compag-nie des tendons fléchisseurs des doigts
Le terme « canal » employé exclusivement en France est finalement assez inexact puisque par définition, un canal est une « structure » ouverte. Le terme anglo-saxon est, à mon sens, plus adapté puisqu’on parle de « syndrome de tunnel carpien » (Carpal Tunnel Syndrome); un tunnel étant bien un espace fermé. Certaines conditions vont entrainer une augmentation de la pression au sein du tunnel (canal) carpien. La première structure qui va souffrir de cette augmentation de pression est le nerf médian. Lorsque la pression du gonflement devient suffisamment importante pour perturber le fonctionnement du nerf, un engourdissement, des picotements et une douleur peuvent être ressentis dans la main et les doigts (voir la figure 2)
Figure 2 : Zone d’insensibilité et d’engourdissement des doigts
Cette pathologie touche entre 1 et 5% de la population générale. Le vieillissement de la population, le développement de la spécialisation chirurgicale et l’apparition des techniques endoscopiques depuis les années 90 ont probablement contribué à l’augmentation significative du nombre d’interventions recensées en France.
Si en 1995, on dénombrait 9 537 interventions de libération du nerf médian au canal carpien, ce chiffre est désormais stable depuis 2004 et évalué entre 140 et 150000 interventions (Source Institut de Veille Sanitaire, Santé Publique France).
Quelles sont les causes ?
Pour comprendre, il faut bien avoir à l’esprit l’anatomie du poignet et particulièrement la zone appelée « canal carpien ». Le canal carpien est un tunnel ostéofibreux inextensible dans lequel coulisse les 9 tendons qui permettent aux doigts de se plier et le nerf médian (Figure 1). Le syndrome du canal carpien repose sur un conflit entre le contenant (canal carpien) et le contenu (nerf médian et tendons fléchisseurs). On peut comparer ce phénomène à celui exposé dans l’article sur le doigt à ressaut avec un même problème de contenu/contenant. Donc, plusieurs possibilités ; soit le contenu « grossit » (le plus souvent en rapport avec un gonflement de la paroi des tendons ; la ténosynovite) et il y a aura un problème d’encombrement au sein d’un contenant (le tunnel ou canal) qui ne peut pas s’expandre, ou soit c’est le contenant qui s’épaissit (le plus souvent, lié à un épaississement du ligament annulaire qui est le « toit » du tunnel) et alors les structures à l’intérieur (le contenu) se retrouvent serrées.
Le manque d’espace dans le tunnel entraîne une augmentation de la pression qui affecte les structures à l’intérieur. Le nerf médian supporte mal cette hyperpression. Cette souffrance sera à l’origine du syndrome du canal carpien. La cause à l’origine du syndrome du canal carpien n’est pas toujours retrouvée. Au contraire, la plupart du temps, elle reste inconnue. On l’appelle alors canal carpien idiopathique. Néanmoins, cela touche davantage la femme que l’homme à un âge compris entre 45 et 60 ans. Il faut noter également un 2èmepic d’incidence chez le patient âgé de 75 à 85 ans sans prédominance de sexe (touche autant les femmes que les hommes à cette tranche d’âge).
Aussi, plusieurs pathologies médicales peuvent avoir pour conséquence de développer un syndrome de canal carpien. Le diabète, la polyarthrite rhumatoïde, l’amylose, les arthrites microcristallines, l’obésité, l’hypothyroïdie, et bien d’autres peuvent être à l’origine d’un syndrome de canal carpien. La grossesse peut également se compliquer d’un syndrome du canal carpien, mais celui-ci est habituellement transitoire et disparaît en quelques semaines après l’accouchement. On peut retrouver des causes post-traumatiques amenant à un rétrécissement du canal carpien comme une séquelle de fracture du radius distal ou une luxation rétro-lunaire du carpe passée inaperçue.
Il peut aussi exister une combinaison de plusieurs causes. Enfin, des processus expansifs (tumeurs, kystes, etc.) ou des anomalies anatomiques un muscle fléchisseur accessoire sont régulièrement rapportés. Dans ces cas, il ne faut pas hésiter à demander une IRM au moindre doute et si la présentation clinique n’est pas tout à fait typique.
Signes et symptômes
Les symptômes du syndrome du canal carpien comprennent généralement des douleurs, un engourdissement, des fourmillements (paresthésies) ou une combinaison des trois, se manifestant la journée mais aussi et surtout réveillant le patient la nuit (Figure 2 et 3).
Figure 3 : Représentation ludique illustrant bien les fourmillements dont se plaignent les patients et qui les réveillent la nuit
Les engourdissements ou fourmillement sont situés le plus souvent sur les 3 premiers doigts (pouce, index, et majeur) mais parfois sur tous les doigts de la main. Ils remontent fréquemment le long de l’avant bras vers le coude. Les symptômes sont ressentis pendant la nuit, mais peuvent également être remarqués lors d’activités quotidiennes telles que conduire ou lire un journal mais aussi lors de la réalisation de gestes de force (notamment chez les patients manuels).
Les patients peuvent parfois remarquer une perte de la sensibilité sur le bout des doigts entrainant une maladresse occasionnelle et une tendance à laisser tomber des objets. Dans les cas graves, la sensation du toucher peut être définitivement perdue et les muscles à la base du pouce se rétrécissent lentement (atrophie thénarienne), entraînant des difficultés de pincement.
Figure 4 : Atrophie de l’éminence thénar. La partie habituellement charnue de la base du pouce au niveau de la paume est dans ce cas grave de canal carpien entièrement atrophique, avec fonte des muscles habituellement innervés par le nerf médian
Seuls des médicaments de type Corticoïdes peuvent avoir une efficacité modérée. Une infiltration de stéroïdes dans le canal carpien est plus efficace et peut servir de test diagnostique et thérapeutique
Diagnostic
L’électromyogramme
C’est l’examen de référence pour confirmer le diagnostic de syndrome du canal carpien. Il mesure la conduction des fibres sensitives et motrices. En d’autres termes, il permet de contrôler que l’information transmise par le nerf tout au long de son trajet au bras jusqu’à la main (un peu par analogie à de l’eau qui coulerait le long d’un tuyau) n’est pas altérée au niveau du canal carpien. Une diminution de la vitesse de conduction témoigne d’un obstacle sur le trajet du nerf. D’ailleurs, l’autre image que l’on donne au patient pour expliquer la pathologie est celle d’un tuyau d’arrosage sur lequel une pierre est posée et empêche l’eau de couler, au delà de l’obstacle, jusqu’au bout du tuyau.
L’EMG peut préciser à quel niveau exactement se situe l’obstacle. Un obstacle situé au niveau de poignet signe le diagnostic de syndrome de canal carpien. C’est un examen désagréable pour le patient, plutôt long, et opérateur dépendant. En revanche, c’est un examen très fiable pour la confirmation diagnostic. Un EMG normal remettra en question le diagnostic évoqué ou suspecté en consultation. Il permet aussi de mesurer la sévérité d’une atteinte même si il n’existe pas toujours une adéquation entre l’examen clinique et le résultat électrique sur l’importance de l’atteinte et l’état d’avancement de la pathologie.
L’électromyogramme n’est pas obligatoire mais est fortement recommandé y compris dans le guide des bonnes pratiques publié en 2013 par l’HAS. De plus, un EMG pré-opératoire servira de valeur quantitative et donc objective de référence en cas de doute après l’intervention chirurgicale ou lors d’une évolution défavorable post-opératoire. Cependant, cet examen n’a pas de valeur prédictive en terme de résultat et il est admis que sa négativité ne peut exclure l’existence d’une compression avérée du nerf médian au canal carpien.
Les autres examens
Une radiographie peut être prise pour vérifier les autres causes des plaintes telles que l’arthrose ou si on suspecte une origine traumatique devant une déformation du poignet.
L’IRM est davantage demandée en cas de récidive de syndrome du canal carpien à la recherche d’une processus expansif (kyste, tumeur…) à l’origine de cette récidive. Elle présente également une bonne sensibilité pour juger de la souffrance du nerf et de son niveau de compression.
Un bilan biologique peut être effectué si un état pathologique suspecté est associé au syndrome du canal carpien.
Traitements
Traitement Médical
Les symptômes peuvent souvent être soulagés sans intervention chirurgicale. Identifier et traiter des problèmes médicaux, modifier les habitudes d’utilisation de la main ou maintenir le poignet en position droite peut aider à réduire la pression exercée sur le nerf. Le port d’attelles de poignet la nuit peut soulager les symptômes qui nuisent au sommeil.
Une infiltration de stéroïdes dans le canal carpien peut aider à soulager les symptômes en réduisant l’encombrement autour du nerf. Elle doit être réalisée par un médecin spécialiste ou un radiologue compte tenu du risque de lésion du nerf médian au cours de l’injection (Figure 5)
Figure 5 : Traitement d’une forme débutante de canal carpien par une infiltration de Corticoïde
D’autres traitements, dont nous n’avons pas l’expérience, ont été décrits comme la pratique du Yoga, du Laser, de l’acuponcture ou du magnétisme. Ces traitements n’ont, à ce jour, pas fait la preuve scientifique de leur efficacité.
Le traitement médical est proposé aux formes peu sévères et « subjectives ». En d’autre terme, on proposera ce traitement à des patients ayant des symptômes occasionnels et/ou par intermittence (non quotidiens) avec un examen clinique strictement normal. Les résultats de l’EMG n’étant pas toujours en adéquation avec l’expression clinique de la pathologie
Traitement Chirurgical
Quand proposer une intervention ?
Lorsqu’il existe des signes objectifs ou que les manifestations cliniques sont récurrentes et/ou quotidiennes, une intervention chirurgicale est proposée dans le but de recréer de la place au nerf et de stopper la souffrance. L’EMG constitue, comme vu précédemment, un examen qui confirme le diagnostic de syndrome du canal carpien et permet d’avoir une valeur quantitative initiale de référence. Dans notre expérience, son résultat ne constitue pas en soit une argument en faveur ou en défaveur d’une indication opératoire eu égard aux nombreux décalages entre les résultats électriques et les manifestions cliniques de la maladie.
La pression sur le nerf est réduite immédiatement en coupant le ligament qui forme le toit (haut) du tunnel du côté de la paume de la main (voir la figure 6).
Figure 6 : Illustration de la section du ligament annulaire pour libérer le nerf médian
Quel type de traitement chirurgical faut il proposer ?
Si plusieurs techniques de libération du nerf médian au canal carpien ont été décrites, il existe une parfaite uniformité sur le geste chirurgical à effectuer. En d’autres termes, toutes les techniques chirurgicales actuellement pratiquées auront pour but de sectionner le ligament annulaire qui s’est épaissi. Historiquement considérée comme la technique « gold standard », le traitement chirurgical « à ciel ouvert » consiste en une incision plus ou moins longue située sur le talon de la main et en regard du canal carpien. Le principe est de bien inspecter le canal carpien, de voir le nerf et les tendons et de s’assurer de la parfaite section de toute la longueur du ligament annulaire. Cela permet également dans certaines pathologies d’avoir un geste complémentaire sur les tendons si cela est nécessaire (ténosynovetomie dans certaines maladies rhumatismales).
Les résultats étaient bons sur les symptômes de la maladie (fourmillements, douleur ou chaleur nocturnes…) mais cette technique entrainait une gène ou un inconfort sur plusieurs semaines en regard du talon de la main en rapport avec la cicatrice chirurgicale. Cela affectait des gestes simples de la vie quotidienne comme la prise d’objet ou poser la main à plat sur une table. Ces complications nous ont poussé à privilégier des techniques plus modernes et moins invasives, et surtout, qui permettent de respecter la paume de la main.
Si plusieurs techniques de libération du nerf médian au canal carpien ont été décrites, il existe une parfaite uniformité sur le geste chirurgical à effectuer. En d’autres termes, toutes les techniques chirurgicales actuellement pratiquées auront pour but de sectionner le ligament annulaire qui s’est épaissi. Historiquement considérée comme la technique « gold standard », le traitement chirurgical « à ciel ouvert » consiste en une incision plus ou moins longue située sur le talon de la main et en regard du canal carpien. Le principe est de bien inspecter le canal carpien, de voir le nerf et les tendons et de s’assurer de la parfaite section de toute la longueur du ligament annulaire. Cela permet également dans certaines pathologies d’avoir un geste complémentaire sur les tendons si cela est nécessaire (ténosynovetomie dans certaines maladies rhumatismales).
Les résultats étaient bons sur les symptômes de la maladie (fourmillements, douleur ou chaleur nocturnes…) mais cette technique entrainait une gène ou un inconfort sur plusieurs semaines en regard du talon de la main en rapport avec la cicatrice chirurgicale. Cela affectait des gestes simples de la vie quotidienne comme la prise d’objet ou poser la main à plat sur une table. Ces complications nous ont poussé à privilégier des techniques plus modernes et moins invasives, et surtout, qui permettent de respecter la paume de la main.
Le traitement par voie endoscopique
Il s’agit de la méthode que nous pratiquons la plupart du temps. Développée dans les années 90, le matériel utilisé a bien évolué pour aboutir à une technique fiable et reproductible. Même si cette technique nécessite pour les structures de soins (hôpitaux, cliniques) des coûts supplémentaires (colonne vidéo, ancillaire et caméra spécifiques à cette chirurgie…) et que le temps d’installation de l’ensemble de l’instrumentation allonge la durée opératoire de la chirurgie, cela permet d’améliorer significativement le confort et les résultats postopératoires précoces. L’incision est effectuée en dehors du talon de la main (Figure 7) et cette technique permet de couper électivement le ligament qui comprime le nerf en respectant les structures anatomiques adjacentes (peau, aponévrose, muscle) (Figure 8). Un gros pansement de confort est constituée après la chirurgie et sera retirer rapidement en postopératoire.
Figure 7 : Visualisation d’une incision chirurgicale pour une chirurgie de canal carpien, en dehors du talon de la main et mesurant 8 mm en moyenne.
Figure 8 : Opération chirurgicale par endoscopie - intervention d'une durée d'environ 15 minutes
Figure 9 : Cicatrice chirurgicale 1 semaine seulement après la chirurgie. Celle ci disparaitra entièrement en quelques semaines
Dans les formes évoluées (perte de sensibilité et baisse de force au moment du diagnostic), la récupération des symptômes pré-existants se corrigeront de façon progressive et aléatoire dans un délai compris entre 3 mois et 1 an. Ce délai de récupération souvent long explique la nécessité de proposer une libération chirurgicale dès lors que les fourmillements apparaissent quotidiennement, de façon régulière et avant que le déficit sensitif et/ou moteur s’installe.
Dans certains cas, il reste nécessaire de proposer une libération chirurgicale du nerf médian à « ciel ouvert ». Notamment lorsque l’on suspecte la présence d’un processus extrinsèque compressif (kyste, tumeur), ou s’il est nécessaire (comme déjà évoqué plus haut) d’effectuer une synovectomie des tendons fléchisseurs de façon concomitante. Aussi, les cas de récidive du canal carpien sont souvent traités via un abord chirurgical classique « à ciel ouvert ».
Evolution
De nouvelles techniques ont récemment vu le jour, particulièrement la libération du nerf médian au canal carpien sous contrôle échographique. Initialement décrite dans les années 90, cette technique souffrait de la qualité insuffisante des sondes existantes à l’époque. L’amélioration de la résolution des nouvelles sondes échographiques permet de sectionner le ligament compressif avec une meilleure précision.
Si la visualisation du ligament ne peut être meilleure que sous endoscopie, il semblerait que l’échographie offre des gages de sécurité si elle est réalisée par un praticien confirmé pour une invasivité faible. Actuellement, les seules séries publiées sont des études de faisabilité ou des études cliniques non comparatives, il est donc difficile d’évaluer sa parfaite innocuité, notamment en présence de variations anatomiques fréquentes. En revanche, cela s’inscrit parfaitement dans la politique de développement de « l’office Sugery » (la chirurgie au cabinet de consultation en dehors du bloc opératoire) voulue par nos tutelles afin de diminuer le coût de la médecine pour notre société.
Conclusion
Le syndrome du canal carpien est une maladie fréquente qui consiste en la compression du nerf médian au poignet. Le diagnostic est simple et peut être confirmé par un électromyogramme. Un traitement médical est possible dans les formes débutantes avec une bonne efficacité. En cas d’échec, quand les symptômes sont réguliers, un traitement chirurgical est indiqué. Actuellement, le traitement endoscopique a notre préférence puisqu’il s’agit d’une technique fiable, reproductible avec peu de complications entre des mains rompues à cette chirurgie. Les suites sont habituellement simples mais dépendent également de facteurs extérieurs comme le profil psychologique du patient, son âge, son activité professionnelle, la protection sociale dont il bénéficie et son intégration dans la société.