Maladie de Dupuytren

La maladie de Dupuytren est une affection de la main caractérisée par une flexion progressive et irréductible de certains doigts. Elle est liée à un épaississement de l’aponévrose palmaire. Cet épaississement s’accompagne d’une rétraction qui limite l’extension des doigts et peut infiltrer la peau. 

De quoi parle t-on ?

Décrite par le baron Guillaume Dupuytren (1777-1835) d’après l’analyse de la déformation de la main de son cocher, cette affection se caractérise par un épaississement et une rétractation d’une aponévrose située juste sous la peau. Cette maladie peut se manifester sous formes de nodules cutanés, sortes de « boules » dures situées dans la paume de la main mais qui ne sont pas douloureuses (Figure 1).

Figure 1 : Maladie de Dupuytren dans une forme Nodulaire

« Ces nodules évoluent avec le temps et forment des brides qui s’étendent en profondeur et entraînent une attitude en flexion irréductible des doigts ce qui amène le patient à consulter. »  (Figure 2).

Figure 2 : Bride typique d’une maladie de Dupuytren avec un doigt qui se rétracte (repli) progressivement sur la paume de la main

Origine

L’origine de cette pathologie est vraisemblablement multifactorielle et mal connue. Elle touche davantage l’homme que la femme. Il s’agit d’une maladie qui affecte une aponévrose de la main (aponévrose palmaire superficielle). Cette aponévrose, normalement plane et fine se fibrose progressivement et forme des nodules puis de véritables brides qui plongent jusqu’au plan des tendons fléchisseurs des doigts. La conséquence de cette évolution est le repliement progressif des doigts sur la paume de la main (Figure 3).

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Figure 3 : Représentation de la transformation pathologique de l’aponévrose palmaire en nodules puis en bride

Le facteur « éthnique » est important puisqu’il s’agit avant tout d’une maladie de la population caucasienne (race blanche et notamment les blancs d’Europe du Nord). Elle est très rare en Afrique du nord ou au Maghreb et exceptionnelle en Afrique Noire. On parlait de la maladie des Viking puisque son incidence était particulièrement importante dans les zones autrefois fréquentées par les marins de ces peuples venus du nord de l’Europe.  Elle est ainsi bien plus fréquente en Normandie (ou en Bretagne) que dans le Sud Est de la France, et également plus fréquente au Portugal qu’en Espagne…
Il existe donc probablement une composante génétique puisqu’il est fréquent de rencontrer des formes familiales en plus du contexte éthniquo-géographique que nous avons précédemment décrit.

L’alcoolisme, le diabète, l’épilepsie, une activité manuelle de force et répétitive (ouvrier agricole, viticulteur, ébéniste, etc.) augmenteraient à des degrés divers le risque d’être atteint. Plus récemment, les traumatismes de la main (plaies, fractures…) ont été rapportés comme responsable de l’apparition de la maladie de Dupuytren.

Signes cliniques

L’atteinte, souvent bilatérale, intéresse essentiellement le 4ème et le 5èmedoigts. Les nodules palmaires apparaissent souvent en premier, puis surviennent les rétractions digitales, avec une corde sous la peau (bride cutanée) qui va de la paume jusqu’au doigt (la dernière phalange est en générale épargnée par la maladie). Les doigts se rétractent progressivement avec impossibilité de les étendre (Figure 4).

 

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Figure 4 : Evolution classique progressive d’une maladie de Dupuytren d’un stade nodulaire vers une atteinte multiple avec rétraction des doigts sur la paume de la main

Il n’existe pas de douleurs particulières, sauf chez certains travailleurs manuels ou certains sportifs qui peuvent être irrités ou gênés par les nodules palmaires. Aucun examen complémentaire n’est habituellement nécessaire. On recherche également des signes accompagnateurs ou associés :

  • Nodules dorsaux : il s’agit de coussinets dorsaux (boule « graisseuse ») au niveau du dos des petites articulations des doigts.
  • Maladie de Ledderhose : il s’agit d’une atteinte de la voûte plantaire équivalente à celle observée sur la main (Figure 5)
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Figure 5 : Nodules plantaires dans le cadre d’une maladie de Ledderhose

  • Maladie de Lapeyronie correspondant à une atteinte de la verge en érection avec angulation de celle-ci.

Traitement

Le traitement de la maladie de Dupuytren est exclusivement chirurgical. Divers traitements médicaux ont été envisagés sans qu’aucun n’apporte de résultats satisfaisants ou n’obtienne l’autorisation de mise sur le marché en France. Le traitement chirurgical peut également s’envisager de 2 manières différentes. La première approche, peu invasive, consiste à rompre les brides (aponévrotomies) sans retirer la maladie. L’autre possibilité est plus invasive et a pour but de retirer autant que faire ce peut la totalité de l’aponévrose malade (aponévrectomie).

Aponévrotomie

Ces aponévrotomies peuvent se pratiquer par « mini abbord » de quelques millimètres permettant la section des brides sous contrôle de la vue. On peut également réaliser ces aponévrotomies en « per-cutané» en utilisant le tranchant d’une aiguille (Figure 6) qui fragilise la bride (corde) jusqu’à la faire rompre. Cette technique présente de nombreux avantages :

  • elle est rapide
  • elle ne laisse pas (ou très peu) de cicatrice
  • elle est très simple en terme de suites postopératoire.

Néanmoins, elle présente également quelques inconvénients :

  • Les récidives sont fréquentes puisqu’on ne retire pas la maladie. Certaines séries font état d’un taux proche de 85% de récidive. Il faut donc bien informer le patient.
  • il existe un risque non négligeable de lésion des artères et des nerfs des doigts. Lors du passage entre la paume de la main et le doigt, les nerfs et vaisseaux peuvent « s’entortiller » tout autour de la bride. Une section « à l’aveugle », en percutané peut dans ces cas entrainer une section vasculonerveuse en même temps que la bride.
  • Des sections tendineuses sont également possibles aux conséquences péjoratives.

Figure 6 : Aponévrotomie à l’aiguille

Compte tenu des risques cités, nous proposons cette technique lorsque la maladie est localisée au niveau de la paume de la main et chez des personnes âgées. En revanche, si elle remonte au niveau du doigt, ou si il s’agit d’une forme récidivante, nous proposerons une chirurgie « à ciel ouvert » type aponévrectomie afin d’éviter la survenue des complications sus-citées.

Aponévrectomie

C’est l’intervention « Gold Standard » de la maladie de Dupuytren, et donc celle que nous pratiquons le plus souvent. Elle est réalisée au bloc opératoire, sous anesthésie locorégionale (le bras uniquement est anesthésié). Le principe de l’intervention consiste en des incisions cutanées en « zigzag » tout le long de la bride. On cherche de cette manière à retirer l’intégralité de la maladie jusqu’à son extension en profondeur (cloisons de Legueu et Juvara). Le repérage des éléments vasculo-nerveux est la première étape afin d’éviter tout risque de blessures de ceux-ci. Elle se fait à l’aide de lunettes micro-chirurgicales permettant de grossir de 4 à 8 fois les tissus que le chirurgien dissèque rendant le repérage des nerfs et des vaisseaux plus facile.

Une exérèse rigoureuse et la plus complète possible est la première règle afin d’éviter le risque de récidive. Dans les formes sévères, il est usuel d’associer un geste de libération articulaire (arthrolyse) pour garantir un bon résultat postopératoire. Il est également fréquent d’associer des gestes complémentaires de couverture cutanée (type greffe de peau ou lambeaux de couverture). Il est reconnu qu’il n’existe pas de récidive au niveau des zones traitées par greffe de peau ou de lambeaux prélevés à partir de tissu sain.

Suites postopératoires

Dans les suites de l’intervention, la main est enveloppée dans un volumineux pansement. Des pansements seront réalisés tous les deux jours. La durée des pansements dépend avant tout du geste chirurgical effectué (de 10 jours à 1 mois) et notamment de la présence d’une greffe de peau ou d’un lambeau de couverture.

Le patient procède lui-même à une auto-rééducation, dès le premier pansement, consistant en des flexions actives des doigts. Il est classique de devoir effectuer des séances de rééducation pour maximiser l’extension obtenue lors de l’intervention chirurgicale et éviter surtout une tendance naturelle à retrouver une position vicieuse en flexion du doigt (Figures 7).

Figures 7 : Résultats à 3 semaines après aponévrectomie palmaire

Par ailleurs une orthèse dynamique d’extension et de flexion peut être proposée en complément de la rééducation pour que le doigt « travaille » en dehors des séances de kinésithérapie. Cette orthèse doit être portée la nuit et de façon discontinue, pendant la journée, en alternance avec les exercices de flexion active des doigts.

Complications

Les complications sont surtout en rapport avec la cicatrice chirurgicale : retard de cicatrisation voire d’absence de prise de greffe ou de nécrose cutanée. A noter que la mobilité doit primer sur la cicatrisation car il n’est pas rare, même avec un traitement bien conduit, d’avoir une récupération incomplète de l’extension des doigts opérés. Il est donc important de poursuivre la rééducation même en cas de problème cutané.

Les phénomènes d’algodystrophie (rhumatisme inflammatoire) sont également rares mais conduisent parfois à des séquelles avec douleurs et enraidissement. Peuvent également rarement s’observer une atteinte des nerfs digitaux, malgré toutes les précautions prises au cours de la chirurgie, entraînant une anesthésie de la région concernée. La récidive est possible. Les retouches ou ré interventions sont parfois nécessaires.

Quand doit on se faire opérer ?

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Figure 8 : L’impossibilité de positionner la main à plat sur une table constitue une indication chirurgicale classique

La flexion permanente d’un doigt est gênante, et entraine des phénomènes « d’accrochage » pour de gestes simples (mettre une main dans une poche). Il faut également savoir que cette maladie évolue par phases et qu’une aggravation brutale peut se produire et entraîner une flexion irréductible des doigts de plusieurs dizaines de degrés en seulement quelques semaines. Les nodules peuvent également être douloureux ou gênants notamment chez des travailleurs manuels ou des sportifs utilisant leurs mains. Ils peuvent, à eux seul, justifier d’une geste chirurgical d’exérèse. Dans tous les cas, la décision d’opérer résultera de l’entretien que vous aurez eu avec votre chirurgien qui vous aura expliqué les avantages et les complications possibles d’une telle procédure. Les phénomènes d’algodystrophie (rhumatisme inflammatoire) sont également rares mais conduisent parfois à des séquelles avec douleurs et enraidissement. Peuvent également rarement s’observer une atteinte des nerfs digitaux, malgré toutes les précautions prises au cours de la chirurgie, entraînant une anesthésie de la région concernée. La récidive est possible. Les retouches ou ré interventions sont parfois nécessaires.