EPICONDYLITE

De quoi parle t-on ?

Le terme d’épicondylalgie chronique est mieux adapté car il inclut toutes les douleurs plus ou moins anciennes du coude et dont l’origine est variée (Figure 1).

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Figure 1 : Douleur importante et lancinante de la partie latérale du coude

« Les épicondylalgies touchent entre 1 et 3% de la population. »

On parle fréquemment de « tennis elbow »,  car historiquement, il était coutumier de dire que 50% des joueurs de tennis ont présenté au moins une fois une épicondylite (Figure2). Cependant, les progrès réalisés dans la conception des raquettes (moins lourdes et moins tendues, cordages en multifilament…) et la modification du geste (vulgarisation du revers à 2 mains) font que désormais, moins de 30% des patients consultant pour épicondylite jouent au tennis… En revanche, parmi les joueurs de tennis amateurs, 10 à 50% souffrent ou souffriront d’une épicondylite après 40 ans.

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Figure 2 : L’épicondylite survient davantage chez le tennisman pratiquant le revers à une main, coude bien tendu

On retrouve par contre, assez souvent, un contexte de surcharge professionnelle dans l’utilisation du membre supérieur (travaux manuels, déménagements…), voire des personnes exerçant régulièrement des activités de bricolage ou de jardinage (Figure 3).

Figure 3 : Exemples d’activités pouvant favoriser l’apparition d’une épicondylite

« Dans plusieurs cas, aucun facteur ou circonstance favorisants ne sont détectés. »

Comment cela se produit ?

L’ensemble des muscles permettant l’extension du poignet et des doigts s’insère sur l’épicondyle latéral qui est situé sur le côté du coude. Une utilisation excessive de ces muscles va entraîner une inflammation de cette zone qui se traduit par une tendinite (Figure 4).

Figure 4 : Exemples d’activités pouvant favoriser l’apparition d’une épicondylite

A un stade plus avancé de la maladie, l’inflammation chronique des tissus peut entrainer une détérioration (dégénérescence) aboutissant à une déchirure des fibres tendineuses (Figure 5).

Figure 5 : Illustration d’une fissure ou déchirure des tendons à leur insertion sur le coude

Il s’agit de la cause la plus fréquente de douleur latérale du coude (épicondylalgie) mais il faut également toujours éliminer les autres origines comme une atteinte de l’articulation huméro-radiale du coude, ou une compression du nerf radial au niveau du coude (Figure 6) qui sera détaillée plus loin dans l’article.

Figure 6 : Trajet du nerf radial au bras. Au coude, il transite de la partie antérieure de l’avant bras à la partie postérieure en passant au travers une arcade (de Frohse) et les muscles épicondyliens latéraux où il peut être comprimé

« Ces dernières pathologies  expliquent en partie le terme générique employé d’épicondylalgies pour nommer toutes les douleurs du coude.« 

L’épicondylite représente plus de 80% des épicondylalgies. Elle peut être isolée ou associée à une atteinte articulaire ou à une souffrance du nerf radial.

Présentation clinique

Le diagnostic clinique est relativement simple. Le patient rapporte des douleurs bien localisées sur la partie externe du coude (Figure 7). Elles s’intensifient lors de certaines activités manuelles (bricolage, jardinage…) ou même usuelles de la vie quotidienne (ouvrir une porte, serrer la main…).

Figure 7 : Douleur électivement localisée sur le relief osseux (épicondyle latéral) à la partie latérale du coude

La pratique du sport devient difficile, notamment pour le revers et le service au tennis (Figure 8).

Figure 8 : Pathologie touchant régulièrement le joueur de tennis amateur

Il existe tout d’abord un contexte d’hyperutilisation du coude (tennis, volley, activités manuelles). La mobilité du coude est le plus souvent normale. La douleur siège en regard de la face latérale du coude, irradiant vers l’avant-bras et le poignet (Figure 9).

Figure 9 : La douleur peut suivre le trajet des tendons épicondyliens latéraux, jusqu’au poignet et la main

La douleur est provoquée à la palpation de l’épicondyle latérale, en réalisant des mouvements contrariés sollicitant de façon maximale les muscles atteints (extension du poignet poing serré, extension du majeur, supination contrariée) (Figures 10 et 11).

Figures 10 : L’extension contrariée du poignet réveille la douleur sur la partie latérale du coude.

Figure 11 : L’extension contrariée du majeur (médius) est souvent également douloureuse.

Il faut bien palper les différents reliefs anatomiques (condyle latéral, tête radial, interligne huméro-radial, et les tendons) à la recherche d’un diagnostic différentiel (Figure 12).

Figure 11 : L’extension contrariée du majeur (médius) est souvent également douloureuse.

En première intention, aucun examen n’est nécessaire pour faire le diagnostic d’épicondylalgie. L’examen clinique du patient est suffisant pour mettre en place un traitement de première intention. Les examens seront ensuite prescrits en cas de résistance au premier traitement mis en place. Une simple radiographie du coude de face et de profil sera prescrite pour rechercher des micro-calcifications et des lésions articulaires.

L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) reste l’examen de référence pour diagnostiquer les épicondylites mais surtout afin de mettre en évidence des signes de souffrance des tendons voir des fissurations sur la zone d’insertion osseuse. Cela constitue un signe de gravité et peux parfois modifier la prise en charge thérapeutique (Figure 13).

 

Figure 13 : Images IRM de différentes fissures des épicondyliens latéraux (flèches jaune et blanche)

Un électromyogramme est souvent demandé pour enregistrer l’activité du nerf radial en regard de l’arcade fibreuse du coude et rechercher une compression nerveuse dans cette zone (Figure 14). La normalité de l’examen ne peut exclure formellement une souffrance du nerf radial.

 

Figure 14 : Réalisation d’un éléctromyogramme (EMG) du membre supérieur

Il faut reconnaître que la validation scientifique des thérapies proposées est médiocre. Tout a été écrit, y compris son contraire. Globalement, dans 90% des cas, l’épicondylite passera avec le temps dans un délai plus ou moins long.

« Le traitement est donc avant tout médical.« 

Il consiste en des règles élémentaires d’évitement des gestes ou activités à l’origine des douleurs pour une durée d’au moins 3 semaines (diminution autant que possible des activités sportives, professionnelles et/ou de loisir favorisants les symptômes). La kinésithérapie aide beaucoup au soulagement des patients. Il repose sur une thérapeutique manuelle avec des massages transverses profonds et de la physiothérapie. On suspecte souvent un déséquilibre entre les muscles qui étendent le poignet (épicondyliens latéraux) et ceux qui le fléchissent (épicondyliens médiaux). Il faudra donc étirer les muscles épicondyliens latéraux (Figure15) et renforcer les muscles antagonistes (Fléchisseurs du poignet) (Figure 16). Elle doit être poursuivie durant plusieurs semaines.

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Figure 15 : Une partie de la rééducation consiste en des massages et l’étirement des épicondyliens latéraux

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Figure 16 : Il est important de renforcer les muscles antagonistes par un mouvement de flexion contrariée du poignet par un poids de musculation.

La mise en place de « tapes » (taping) par un physiothérapeute peut également soulager (Figure 17).

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Figure 17 : « Taping » réalisé par certains physiothérapeutes

Il est courant de positionner des bracelets la journée en regard de la zone douloureuse (Figure 18). Plusieurs types existent dans le commerce sans qu’aucun n’ait, à ce jour, montré sa supériorité.

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Figure 18 : Exemple des multiples bracelets antalgiques disponibles dans le commerce

Il faudra en parallèle, demander au patient de porter une attelle (Figure 19) positionnant le poignet en extension (entre 45 et 60°) 8h par jour (le soir et la nuit).

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Figure 19 : Attelle thermoformée de repos positionnant le poignet en extension et à porter la nuit uniquement.

La réalisation d’infiltrations locales à base de corticoïdes est classique. Il semblerait néanmoins que l’injection de produits cortisonés au contact d’une zone tendineuse pourrait avoir pour conséquence de fragiliser encore davantage des tendons déjà pathologiques. Récemment, les injections de Plasma Riche en Plaquettes (PRP) ont montré leur efficacité dans le traitement de l’épicondylite avec une certaine significativité.

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Figure 20 : Injection de PRP dans la zone pathologique

Le PRP consiste à extraire les plaquettes du sang du patient préalablement prélevé via une centrifugeuse. Ces plaquettes, associées à ces facteurs de croissance, vont ensuite être réinjectées sur le tendon pathologique afin d’aider à sa cicatrisation (Figure 21).

Figure 21 : Illustration de l’action théorique du PRP sur une tendinopathie fissuraire.

Les ondes de choc sont également bénéfiques (Figure 22). Elles peuvent être réalisées par le médecin ou le kinésithérapeute qui doit orienter les ondes à distance de la zone d’insertion tendineuse, pour ne pas, une fois de plus, fragiliser des tendons pathologiques.

Figure 22 : Ondes de choc qui doivent être appliquées à distance du tendon pathologique

La mésothérapie, l’acuponcture ou le laser (Figure 23) ont également été décrits comme pouvant aider au traitement de l’épicondylite.

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Figure 23 : Illustration de l’application de Laser sur la zone pathologique

La reprise des activités sportives pourra reprendre au bout de 1 mois et/ou lorsque les douleurs auront cessées. Elles se feront de façon progressives et encadrées par les thérapeutiques précédemment décrites (bracelet, tapes…).

Toutes ces thérapies médicales ont montré une certaine efficacité dans le soulagement des symptômes de l’épicondylite. En revanche, aucune n’est, à ce jour, validée scientifiquement. Entre 5 et 10% d’entre elles résisteront à un traitement médical bien conduit et nécessiteront un geste chirurgical. Différentes techniques ont également été décrites ; de la même façon, aucune d’elles n’a été plus validée scientifiquement qu’une autre…

Place du traitement chirurgical

Malgré le large éventail de solutions médicales existantes, une petite proportion des épicondylites résistent et ne régressent pas. Le traitement chirurgical est envisagé d’échec d’un traitement médical bien conduit pendant au moins 6 mois, voir 1 an. Il est réalisé en ambulatoire sous anesthésie loco-régionale. La modalité du traitement va, avant tout, dépendre de la cause suspectée à l’origine des douleurs. Le geste peut électivement cibler le tendon (désinsertion-allongement-électrocoagulation), l’os, et si besoin le nerf radial. Il faut reconnaître également que le geste chirurgical sera fortement dépendant de l’habitude et de l’expérience du chirurgien.

Technique chirurgicale « classique » à ciel ouvert

La technique classique consistait à faire cicatriser le tendon. Il fallait alors exciser (retirer) la zone pathologique, aviver la zone d’insertion osseuse (pour retrouver un os sain). Le tendon sain était ensuite réinséré sur l’os (Figure 24).

Figure 24 : Technique classique d’excision (retrait) de la zone pathologique et réinsertion (suture) du tissu sain sur l’os.

L’avènement des thérapeutiques mini-invasives que nous allons décrire a eu pour conséquence de faire reculer ce type de traitement plutôt invasif. Nous ne pratiquons plus, pour notre part, ce type de chirurgie.

Le traitement par arthroscopie

Le traitement va consister en l’excision élective de la zone pathologique en respectant les autres insertions tendineuses. Cela se réalise au bloc opératoire en chirurgie ambulatoire. L’arthroscopie permet de bien repérer le tendon atteint qui est l’extenseur « court » du poignet (Extensor Carpi Radialis Brevis). Outre la possibilité d’effectuer un geste hypersélectif sur le tendon atteint, l’arthroscopie permet également d’explorer l’articulation et de traiter une éventuelle pathologie associée.

La microténotomie par sonde TOPAZ

Elle se réalise par voie quasi-percutanée (incision de 1 cm) au bloc opératoire en chirurgie ambulatoire. L’utilisation d’une sonde TOPAZ permet dans un même temps de traiter par brûlure les zones pathologiques, tout en stimulant une nouvelle vascularisation par l’intermédiaire des micro « trous » crées par la sonde (Figure 25).

Figure 25 : Présentation de la sonde et micro-perforations effectuées sur le tendon

La cicatrice postopératoire est minime (Figure 26).

Figure 26 : Cicatrice chirurgicale après traitement par sonde TOPAZ

Pour les 2 techniques mini-invasives, l’immobilisation post-opératoire comprend dans la plupart des cas une attelle du poignet à conserver une semaine. Un protocole de rééducation spécifique au décours du geste chirurgical sera nécessaire.

Cas particuliers de la compression du nerf radial au coude

Elle représenterait 5% des épicondylalgies. La présentation clinique est légèrement différente avec une douleur dont le siège est localisé un peu plus bas (distalement) que pour une épicondylite « classique ».

La douleur peut également parfois être présente de jour comme de nuit (horaire mixte).

Elle survient également chez des patients qui exercent des mouvements répétés en supination. Elle est liée à la compression du nerf radial lorsqu’il transite  entre les muscles épicondyliens latéraux (Figure 27). Il quitte alors la loge antérieure de l’avant bras pour passer dans la loge postérieure au travers d’un orifice (arcade de Frohse).

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Figure 29 : trajet du nerf radial. Une compression peut survenir lorsqu’il passe de la loge antérieure à la loge postérieure, en regard de l’arcade de Frohse

Dans certains cas, l’EMG ou l’IRM peuvent confirmer le diagnostic. Mais la sensibilité de ces examens reste faible et leur normalité ne peut exclure le diagnostic positif… Un traitement médical équivalent à celui décrit pour l’épicondylite (kinésithérapie, orthèses nocturnes, bracelets … ) doit être proposé et peut soulager les patients. En cas d’échec, un traitement chirurgical de libération du nerf radial au coude doit être proposé. Il se réalise en chirurgie ambulatoire, sous anesthésie loco-régionale. Une courte incision, quasi équivalente à celle décrite pour l’épicondylite, est suffisante pour réaliser une détente des éipcondyliens latéraux (aponévrotomie) et une libération (neurolyse) du nerf radial au niveau de l’arcade de Frohse. Une courte attelle du poignet est positionnée après la chirurgie pour une semaine. Les symptômes diminuent rapidement au décours de la chirurgie.

En résumé

L’épicondylalgie est une pathologie fréquente qui touche tout type de personne et pas uniquement le tennisman amateur. Le diagnostic clinique est simple et aucun examen complémentaire n’est nécessaire en première intention. Le traitement est avant tout médical et permettra dans la grande majorité de soulager et de guérir les patients. Aucune thérapeutique n’est, à ce jour, davantage validée scientifiquement qu’une autre. Un traitement chirurgical peut être envisagé uniquement en cas d’échec du traitement médical au delà de 6 mois voir 1 an. Plusieurs techniques chirurgicales existent dont le choix va surtout dépendre de l’expérience du chirurgien. Nous privilégions, pour notre part, les techniques mini-invasives (mini perforation par sonde TOPAZ ou arthroscopie).