Rupture de la Coiffe des Rotateurs

L’articulation de l’épaule est la plus mobile du corps humain avec un arc de d’amplitude de 360°. Le système tendineux et musculaire permettant l’ensemble des mouvements est complexe. La coiffe des rotateurs est un ensemble de plusieurs muscles qui s’insèrent tout autour de la tête humérale et dont l’action est fondamentale tant sur la mobilité de l’épaule que sur sa force. Les affections de la coiffe des rotateurs constituent une des causes importantes de douleurs d’épaules, aiguës ou chroniques. Les exigences physiques croissantes, l’intensité des activités physiques et surtout la poursuite d’une pratique sportive importante à des âges de plus en plus élevés en constituent les raisons principales. Il existe diverses atteintes de la coiffe des rotateurs (tendinopathie rompue, non rompue, calcifiante…) dont la pathogénie doit être formellement identifiée pour adapter au mieux le traitement à mettre en place. Nous traiterons uniquement dans ce chapitre, la prise en charge de la rupture de la coiffe des rotateurs.

Diapositive précédente
Diapositive suivante

Pour bien comprendre la rupture de la coiffe des rotateurs

Il existe 2 types de ruptures de la coiffe des rotateurs :

  • les rupture tendineuses non transfixiantes : la rupture ne concerne pas toute l’épaisseur du tendon. La rupture peut concerner la partie articulaire (on parle de rupture endo-articulaire) (Figure 1a), la partie intermédiaire (rupture intersticielle) ou la partie supérieure (rupture superficielle) du tendon (Figure 1b).

Figure 1 : Représentation schématiques des ruptures partielles endoarticulaires (1a) et superficielles (1b). Elles sont chacune classifiées selon l’importance de l’épaisseur concernée par la rupture suivant qu’elles soient inférieures à ¼ de l’épaisseur (grade 1), comprises entre ¼ et la moitié (grade 2) ou supérieures à la moitié de l’épaisseur (grade 3)

  • Les ruptures tranfixiantes :la perforation concerne toute l’épaisseur du tendon. Plusieurs caractéristiques seront alors importantes à déterminer afin de juger de la réparabilité de cette rupture (Figure 2).

Figure 2 : Représentation schématique d’une rupture de la coiffe des rotateurs, avec une vue arthroscopique sur l’image de droite

L’apparition d’une rupture de coiffe des rotateurs est multifactorielle et actuellement non consensuelle. Néanmoins, nous pouvons distinguer 2 grandes entités non discutables ; les ruptures aiguës post-traumatiques, et les ruptures chroniques (ou dégénératives par microtraumatisme).

Les lésions aigues traumatiques

Un véritable traumatisme (une chute par exemple) provoque dans ce cas la rupture. L’exemple typique est celui de la luxation glénohumérale chez le patient après 45 ou 50 ans. Une rupture de la CR est fréquente et ce d’autant plus que le patient est âgé. Cette fréquence dépasse même 60% après 50 ans [1]. La rupture peut être transfixiante ou non, toucher un ou plusieurs tendons, et provoquer alors une véritable épaule pseudo- paralytique. Chez le sportif (Figure 3), ces lésions aiguës peuvent également survenir lors d’une chute violente (Rugby, Sports de Combat, Moto…) voir, même si cela est plus rare, au décours d’un geste violent (service ou smash au tennis).

Diapositive précédente
Diapositive suivante

Figure 3 : Traumatismes classique de l’épaule au cours d’un sport de contact pouvant conduire à une rupture de la coiffe des rotateurs

Les lésions chroniques ou par microtraumatisme (surcharge)

Ces lésions ont une origine multiple :

  • La rupture peut être en rapport avec une atteinte intrinsèque : elle se caractérise par des modifications primaires dégénératives intratendineuses [2] probablement en lien avec une mauvaise vascularisation de la partie supérieure de la coiffe des rotateurs (supra-épineux). Ce type de lésion touche plutôt le patient âgé.

  • La rupture peut être en lien ave une atteinte extrinsèque : plus vulgairement surnommé conflit sous-acromial,elle se traduit par un rétrécissement de l’espace sous-acromial lié à un acromion « encombrant » ou en « bec de perroquet » (type II ou III selon Bigliani), un ostéophyte acromial, un cal vicieux du trochiter (ascension relative du trochiter après fracture), une arthrose acromioclaviculaire avec ostéophytes inférieurs agressif. Cela crée un conflit mécanique avec la CR sous-jacente [3]. (Figure 4).

Figure 4 : Représentation schématique d’une cause extrinsèque pouvant aboutir à une rupture de tendon en lien avec un acromion agressif

Ce contact entre le versant acromial de la coiffe et le bord antéro- inférieur de l’acromion se produit lorsque le bras est porté en avant, abduction et parfois rotation interne. Ces atteintes sont davantage retrouvées chez le patient d’âge moyen ou avancé, particulièrement chez certains sportifs (tennis, natation…).


Les Examens complémentaires

L’identification aussi précise que possible du type de lésion de la coiffe des rotateurs (localisation, taille, rétraction tendineuse, trophicité musculaire) et sa pathogénèse (traumatique aiguë, surcharge, intrinsèque, extrinsèque…) est indispensable avant de proposer un traitement. Cette reconnaissance nécessite un interrogatoire précis, un examen clinique attentif et détaillé, des examens complémentaires (radiographies, parfois IRM) et une compréhension des mécanismes pathogéniques (Figure 5).

Figure 5 : Vue IRM (à gauche) et Arthroscaner (à droite) d’une rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs

 

Il convient toutefois d’être particulièrement prudent quant aux «lésions» constatées à l’IRM. En effet, la précision actuelle de l’IRM est telle que des modifications structurelles de la coiffe des rotateurs sont fréquemment relevées (tendinopathie, rupture non transfixiante), essentiellement chez des sportifs d’âge moyen ou avancé. Il convient de garder à l’esprit que le vieillissement ne se manifeste pas uniquement par l’apparition des rides ou une perte de tonicité de la peau, voir l’apparition de cheveux blancs, mais touche aussi les structures internes (tendons, muscles, os), sans pour autant qu’une réelle situation pathologique puisse être identifiée. Les découvertes IRM doivent par conséquent impérativementêtre confrontées à l’examen clinique par un praticien avisé avant qu’une quelconque conclusion puisse être tirée.

Le traitement

La mise en place d’un traitement non chirurgical reste la tendance actuelle indépendamment du type de lésions de la coiffe des rotateurs et quelque soit l’âge du patient sportif,  sauf la rare exception de l’épaule pseudoparalytique des ruptures massives de coiffe aiguës.

Nous verrons que dans plusieurs situations, cette attitude thérapeutique est discutable et qu’une intervention chirurgicale peut être proposée en première intention.

Il faudra donc systématiquement, devant un patient présentant une rupture de la coiffe des rotateurs,  apprécier individuellement la situation en fonction de l’âge du patient, du type rupture, de la demande fonctionnelle et du niveau de pratique sportive.

Le traitement non chirurgical

Aucun traitement non chirurgical ne pourra permettre un rétablissement complet de la fonction puisque les tendons sont déchirés ou détachés et ne seront jamais remis en place.

En revanche, cette option thérapeutique est parfaitement valable notamment chez des patients âgés et/ou avec une demande fonctionnelle modeste (absence d’activité sportive ou manuelle).

Nous verrons que dans plusieurs situations, cette attitude thérapeutique est discutable et qu’une intervention chirurgicale peut être proposée en première intention.

Il faudra donc systématiquement, devant un patient présentant une rupture de la coiffe des rotateurs,  apprécier individuellement la situation en fonction de l’âge du patient, du type rupture, de la demande fonctionnelle et du niveau de pratique sportive.

La rééducation

Il s’agit de l’unique alternative au traitement chirurgical. Basée sur des techniques très spécifiques, la rééducation a pour but de compenser l’action des tendons rompus par la sollicitation d’autres éléments tendineux ou musculaires qui sont sains. Cette rééducation dite de recentrage (méthode CGE) va également permettre de maintenir la tête humérale en bonne position face de la glène et donc éviter la survenue progressive d’une impotence voir d’une arthrose (Figure6).

Figure 6 : Rééducation de recentrage de la tête humérale

« Elle doit être réalisée par un kinésithérapeute rompu à cette méthode et ayant bien saisi les subtilités de la physiopathologie de l’épaule. Pour être efficace, elle doit être réalisée chez une patiente peu douloureuse ce qui nécessite la plupart du temps une prise en charge associée de la douleur. »

Les Infiltrations de Corticoïdes

Elles ne permettent jamais de rattacher les tendons rompus. En revanche, elles ont une action anti-inflammatoire puissante qui va permettre de diminuer significativement les douleurs et permettre un certain soulagement (notamment sur les douleurs nocturnes).

Elles peuvent être réalisées en consultation « à l’aveugle » chez un praticien habitué, ou sous contrôle radiographique ou échographique (Figure 7).

Figure 7 : Infiltration bursale épaule droite

Elles doivent être utilisées uniquement en complément de la rééducation. Seules, elles n’auront qu’une action transitoire avec une récidive des douleurs dès lors que l’action des corticoïdes sera épuisée.

Les autres traitements non chirurgicaux

Les antalgiques de type 2 ou anti-inflammatoires oraux, proposés en traitement de « crise » et pour une courte durée pour soulager les douleurs lors d’une phase aigue hyperalgique (très douloureuse). Ils sont rarement utilisés en traitement de fond compte tenu de la toxicité de cette thérapeutique au long cours.

La mésothérapie

Le Traitement chirurgical

Il consiste en une réparation avec suture et réinsertion (ré-attachement) du tendon rompusur la partie de l’humérus où il s’était détaché (Figure 8). Cette réparation peut se faire de plusieurs façon ; soit en effectuant un abord chirurgical plus ou moins important (chirurgie « à ciel ouvert »), soit en passant par des petits trous effectués sur la peau et permettant l’introduction d’une caméra (chirurgie arthroscopique). La technique arthroscopique est désormais le « gold standard » puisqu’elle permet une réparation fiable pour une morbidité quasi nulle. La récupération après réparation arthroscopique est plus rapide notamment grâce aux protocoles de rééducation de plus en plus précoce.

La chirurgie se réalise la plupart du temps en ambulatoire (on ne dort pas à la clinique), à l’aide d’une double anesthésie (anesthésie de l’ensemble du bras et anesthésie générale). L’anesthésie du bras est effectuée pour permettre un meilleur contrôle de la douleur après l’intervention. Le bras est immobilisé par une attelle type « coude au corps » pour une durée de 1 mois. Elle sera conservée 2 semaines supplémentaires la nuit uniquement. Suivant le cas, la rééducation pourra débuter rapidement en veillant à bien conserver son immobilisation entre les séances de rééducation. Le port de charge est interdit pendant 3 mois et la reprise des activités sportives sollicitant le bras opéré seront autorisées dès le 6èmemois.

Figure 8 : Représentation d’une rupture de coiffe en cours de réparation

Quand doit on opérer une rupture de la coiffe des rotateurs?

Il sera difficile de répondre à cette question en quelques lignes. Cela dépend vraiment de nombreux critères incluant :

  • le patient (âge, profession, activités sportives et manuelles…),
  • la rupture (sévérité de la rupture, qualité du tendon et du muscle rompus, l’excentration de la tête humérale…) mais également
  • la pratique et l’expérience du praticien consulté.

Pour faire simple, il faut dans un premier temps dissocier les ruptures aiguës (survenue au décours d’un traumatisme ou d’un mauvais geste), des ruptures chroniques.

Les Ruptures Transfixiantes Aiguës (traumatiques)

Concernant les petites ruptures, même transfixiantes et touchant un tendon, le traitement reste en général conservateur (non chirurgical) dans un premier temps. En cas d’échec (persistance de douleurs), une prise en charge chirurgicale peut être proposée en fonction des caractéristiques du patient (âge, demande fonctionnelle) et de la réparabilité de la coiffe rompue à l’imagerie.

  • Compte tenu des résultats publiés sur la reprise des activités sportives et manuelles après réparation arthroscopique, il est fréquent de proposer à un patient jeune, sportif et souhaitant la reprise de son activité (sportive ou manuelle), une chirurgie arthroscopique en première intention (Figure 9)

Figure 9 : Représentation schématique d’une réinsertion de la coiffe des rotateurs selon la technique de « simple rang » (2 images de gauche) et selon la technique du « double rang » (2 images de droite). Puis une vue arthroscopique de réparation finale

Concernant les larges ruptures transfixiantes (touchant plusieurs tendons) avec une épaule pseudoparalytique, il convient de procéder rapidement à un traitement chirurgical, avant que les tendons ne se fixent en rétraction et que le muscle s’atrophie (disparition progressive du muscle) [4]. Dans ces cas aigus, la réparation chirurgicale sous arthroscopie(suture et réinsertion de la CR) est l’unique alternative et reste en général possible malgré la taille de la rupture.

Les Ruptures Transfixiantes Chroniques

Si la rupture est de petite taille le traitement est identique aux lésions aiguës, avec mise place dans un premier temps d’un traitement non chirurgical. La chirurgie sera discutée en cas d’échec de la rééducation. Ces petites ruptures sont la plupart du temps parfaitement réparables et la chirurgie apporte de bons résultats

Pour les ruptures larges (ou massives),  le traitement initial est non chirurgical notamment si elles concernent un patient âgé et peu actif. On pourra cependant, suivant le cas, discuter d’une chirurgie en première intention chez le patient jeune et actif. Celles qui restent douloureuses malgré un traitement conservateur bien conduit, une prise en charge chirurgicale est parfois proposée.

Les Ruptures Non Transfixiantes

Lors de lésions tendineuses intrinsèques, il n’y a en général pas de possibilités de traitement chirurgical. L’acromioplastie (raboter le bec de perroquet) n’est pas indiquée vu l’absence de conflit mécanique.

Les lésions extrinsèques (acromion proéminent ou bec de perroquet), répondent la plupart du temps très bien au traitement médical conservateur (rééducation de recentrage et infiltration). Dans les cas récalcitrants, une acromioplastie arthroscopique peut être proposée et apporte alors un soulagement. L’utilisation de l’arthroscopie est un avantage pour les 3 premiers mois et permet de raccourcir la période de rééducation à quelques semaines seulement. L’excision de la zone de rupture et avec réparation du tendon est parfois proposée chez des sportifs jeunes avec demande fonctionnelle élevée, et souffrant d’une rupture dépassant la moitié de l’épaisseur tendineuse.

Retour aux activités sportives

Chez les sportifs de haut niveau, la reprise de l’activité sportive se fait de façon progressive en respectant un protocole établit conjointement par le chirurgien, le médecin du sport, le kinésithérapeute, le préparateur physique et impliquant également le patient. La reprise des activités de contact est autorisée à partir du 6èmemois postopératoire en fonction de la qualité du renforcement musculaire.

Chez le sportif amateur, le retour au niveau initial avant traumatisme après une chirurgie de réparation de la coiffe est globalement excellent. Selon les études, entre 85 et 90% des patients pourront reprendre leur sport dont en moyenne 65% d’entre eux, à un niveau équivalent à celui avant leur accident [5]. Ce chiffre ne varie pas suivant le type d’activité sportive et concerne également les sports avec armé du bras [7]. Le résultat du retour au niveau antérieur est en revanche beaucoup plus aléatoire chez le sportif professionnel avec armé du bras, notamment chez le pitcher et/ou le tennisman, qui ne retrouveront jamais vraiment leur niveau antérieur [8].

zoe-reeve-1211329-unsplash

Figure 10 : La reprise des activités sportives est autorisée à partir du 6ème mois dans la plupart des cas

Conclusion

Les lésions de la coiffe des rotateurs sont fréquentes d’autant qu’il est d’usage de solliciter les membres supérieurs au dessus de la tête. La pratique sportive à des âges avancés augmente encore le nombre de patients consultant pour des douleurs chroniques d’épaule. 
Les lésions de la coiffe des rotateurs peuvent revêtir de multiples formes, tant du point de vue anatomopathologique qu’étiopathogénique. Leur reconnaissance exacte est indispensable afin de proposer le traitement le mieux adapté. La prise en charge chirurgicale, exclusivement arthroscopique entre nos mains, n’est proposée qu’en cas d’échec du traitement conservateur (hormis lors de large rupture aiguë avec épaule pseudoparalytique). La rééducation et la limitation de la pratique sportive est nécessaire après un traitement chirurgical, et ce pour une durée d’autant plus longue qu’un geste de réparation tendineuse a été réalisé. 
La reprise des activités sportives dépend beaucoup de la taille de la rupture, mais reste inconstante. Pour les sportifs d’élite, le retour au niveau antérieur après chirurgie de la coiffe des rotateurs est plus aléatoire. 


Sources

[1] Ribbans W.J., Mitchell R., Taylor G.J.: Computerized arthrotomography of primary anterior dislocation of the shoulder. J. Bone Joint Surg. [Br] 72: 181–185, 1990.

[2] Chard M.D., Cawston T.E., Riley G.P., Gresham G.A., Hazleman B.L.: Rotator cuff degeneration and lateral epicondylitis: a comparative histological study. Ann. Rheum. Dis. 53: 30–34, 1994.

[3] Neer C.S.: Anterior acromioplasty for chronic impingement syndrome. A preliminary report. J. Bone Joint Surg. [AM] 54: 41–50, 1972.

[4] Basset W., Cofield R.H.: Acute tears of the rotator cuff. The timing of surgical repairs. Clin. Orthop. 175: 18–24, 1983.


[5] Klouche S, Lefevre N, Herman S, Gerometta A, Bohu Y. Return to sport after rotator cuff tear repair: a systematic review and meta- analysis. Am J Sports Med. 2016;44(7):1877–87. This recent analysis details the overall return-to-play in both professional and competitive athletes.

[6] Conway JE. Arthroscopic repair of partial-thickness rotator cuff tears and SLAP lesions in professional baseball players. Orthopedic Clinics. 2001;32(3):443–56

[7] Liem DLichtenberg SMagosch PHabermeyer P. Arthroscopic rotator cuff repair in overhead-throwing athletes. Am J Sports Med. 2008 Jul;36(7):1317-22.

[8] Mazoué CG, Andrews JR. Repair of full-thickness rotator cuff tears in professional baseball players. Am J Sports Med. 2006;34(2): 182–9.