Rupture du Ligament Scapholunaire

Les traumatismes du poignet sont des motifs fréquents de consultation aux urgences.
Si la fracture de Pouteau-Colles et la fracture du scaphoïde sont les diagnostics systématiquement recherchés, ils sont loin de résumer à eux seuls les lésions potentiellement graves et aux conséquences fonctionnelles péjoratives.
Parmi elles, la rupture du ligament scapholunaire est de loin la plus fréquente mais aussi celle qu’il est important de diagnostiquer compte tenu de son potentiel arthrogène (pourvoyeur d’arthrose).
Le poignet est constitué de 7 petits os appelés les os du carpe.
L’agencement des ces petits os, les uns par rapport aux autres, est d’une importance fondamentale puisqu’il permet d’orienter la main dans l’espace et assure donc la responsabilité de la gestuelle de la main et du poignet.
Cette organisation structurelle d’une précision millimétrique est dépendante de plusieurs ligaments qui relient l’ensemble de ces petits os (Figure1).
Une trentaine de ligaments ont été décrits dont le principal est le ligament scapholunaire.

Figure 1 : Représentation des os du carpe reliés les uns aux autres par de multiples ligaments. Le ligament scapholunaire étant le SLIL

Le ligament scapholunaire constitue la pierre angulaire du poignet, le stabilisateur principal (Figure2) dont la rupture peut être à l’origine d’une dissociation des os du poignet (instabilité puis dissociation scapholunaire).

Figure 2 : Gros plan sur l’intervalle entre le scaphoïde et le lunatum, reliés par le ligament scapholunaire

Cette dissociation sera ensuite à son tour à l’origine d’une dégradation progressive de la fonction (douleurs et perte de mobilité) jusqu’à la survenue d’une arthrose.
Nous verrons comment diagnostiquer ces ruptures et surtout comment les traiter.

Diagnostic

Le traumatisme causal n’est que rarement très démonstratif, ce qui participe beaucoup à sa banalisation et au fait que ces lésions sont trop souvent diagnostiquées à un stade tardifi. Il peut s’agir d’une chute (souvent en arrière en hyperflexion dorsale) ou d’un traumatisme en torsion (Figure 3).
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Figure 3 : Différents traumatismes sportifs pouvant entrainer une rupture du ligament scapholunaire

Dans certains cas, un traumatisme initial à l’origine de la douleur n’est pas retrouvé à l’interrogatoire. Les atteintes ligamentaires constatées sont alors en rapport avec un « OverUse Syndrome », ce qui correspond à une lésion par hyperutilisation chronique du poignet conduisant progressivement à une atteinte sévère.

L’atteinte du ligament scapholunaire fait plus souvent suite à une chute sur le poignet en hyperextension. Il faut savoir, et en particulier dans les cas vus tardivement, si le patient a présenté dans les suites immédiates du traumatisme, une tuméfaction, un hématome ou une déformation et quelles étaient leurs localisations.

Examen clinique

L’âge du patient, son côté dominant, ses activités professionnelles ou de loisirs, d’éventuels traumatismes ou opérations antérieures sont précisés. Les circonstances exactes du traumatisme seront également colligées. Ces informations seront mises en corrélation avec les découvertes cliniques et radiologiques et permettront ainsi de déterminer si le traumatisme incriminé est bien à l’origine de la lésion organique mise en évidence ou si ce traumatisme n’a fait que jouer le rôle de révélateur d’une lésion beaucoup plus ancienne (qui était passée inaperçue).

Il faut être systématique dans son examen en se rappelant que le poignet fraîchement traumatisé est difficile à examiner eu égard aux douleurs et à la tuméfaction. Dans ce cas, et pour autant qu’une fracture en particulier déplacée, ait été exclue, le poignet sera réexaminé après une mise au repos strict par attelle non amovible pendant une dizaine de jours au minimum.

A l’inspection, on recherche la présence d’une tuméfaction ou d’un empâtement en précisant sa localisation.

La palpation du carpe, faite de façon systématique, recherchera quelle structure anatomique est douloureuse et par conséquent a peut-être été lésée. Dans le cas des atteintes du ligament scapholunaire, la douleur est électivement située en regard d’un « soft-point » central situé à 1cm distalement au tubercule de Lister (figure 4).

Nous rechercherons également une instabilité scapholunaire par la manœuvre de Watson (Figure 5).

Figure 5 : Manœuvre de Watson utilisée pour diagnostiquer une instabilité scapholunai

Bilan complémentaire

Indispensable en complément de l’examen clinique. Il permettra de poser un diagnostic précis qui guidera notre traitement.

Radiographies standards

En aigüe, les radiographies standards sont souvent normales.

L’apparition d’un écart (diastasis) scapholunaire est un signe plus tardif et marque souvent une rupture ancienne du ligament scapholunaire. Le scaphoide et le semilunaire sont « dissociés » ; on parle alors de dissociation scapholunaire (Figure7).

L’apparition de ce diastasis est en revanche plus précoce sur les radiographies dynamiques (notamment sur l’incidence de face en inclinaison ulnaire ou poing serré) et permet de poser le diagnostic d’instabilité scapholunaire.

Figure 7 : Intervalle scapholunaire normal sur la radiographie de gauche, alors qu’à droite, il existe un écart important (double flèche bleue) entre les 2 os, témoignant d’une lésion scapholunaire sévère avec probable dissociation.

L’incidence de profil stricte permet de mettre en évidence une saillie postérieure de la tête ulnaire dans les cas d’instabilité de l’articulation radio-ulnaire distale.

L’Imagerie par Résonance Magnétique

Il s’agit d’un bon examen de débrouillage dans les douleurs chroniques du poignet dans un contexte souvent atraumatique. En revanche, son intérêt dans les atteintes ligamentaires aigues est moins évident car même si elle bénéficie d’une bonne spécificité dans le diagnostique des lésion des ligaments intrinsèques, sa sensibilité reste malheureusement insuffisante.

L’Arthroscanner

Il s’agit bien évidemment de l’examen de référence puisqu’il présente une haute sensibilité et une haute spécificité dans l’atteinte des ligaments scapholunaire, luno-pyramidal et du TFCC.

Pour le LSL, il sera important de préciser la localisation précise de la déchirure (segment postérieur, moyen, antérieur), l’étendue ainsi que le diastasis scapholunaire. Il sera important également de préciser l’intégrité du cartilage articulaire (Figure 8).

Figure 8 : Coupes coronale et axiale montrant une rupture du LSL (flèches rouges)

Traitement

Le traitement est d’autant plus lourd que le stade lésionnel sera plus avancé. Néanmoins, il convient de procéder à une simple immobilisation par attelle du poignet devant tout poignet traumatique gonflé et douloureux pour lequel le bilan radiographique et/ou scanner est normal. Cela permettra une cicatrisation des lésions capsulaires ou ligamentaires bénignes. Le statut clinique est contrôlé à la fin de la période d’immobilisation. En cas de persistance d’un examen anormal (douleurs électives ou systématisées, instabilité clinique) on doit suspecter des lésions plus sévères qu’initialement estimées. Il est important d’obtenir rapidement un arthroscanner du poignet. Une fois le diagnostic de rupture du ligament scapholunaire établit, il conviendra en premier lieu de bien analyser le terrain du patient (âge, côté atteint, activités professionnelle et sportive…).
La gravité d’une rupture du LSL va dépendre ensuite de sa sévérité (totale ou partielle), sa localisation (antérieure, moyen, postérieur) et de l’existence d’une instabilité scapholunaire associée.
Une rupture complète et située sur la partie postérieure du LSL est une indication chirurgicale.

Chirurgie « classique » à ciel ouvert

Il s’agit de loin la technique la plus couramment proposée.

Elle consiste en une réparation du ligament rompu par l’intermédiaire d’une incision cutanée plus ou moins étendue (Figure 9).

Figure 9 : Visualisation du LSL rompu avant réparation par une cicatrice assez étendue de la face dorsale du poignet

Dans la plupart des cas, il sera nécessaire d’associer des broches complémentaires pour stabiliser la réparation. L’ablation de ces broches se réalise la plupart du temps en ambulatoires 2 mois plus tard.
Une immobilisation du poignet pendant cet intervalle de temps est la plupart du temps préconisé.
Dans notre pratique quotidienne, nous ne pratiquons quasiment plus cette technique que nous estimons trop « lourde » et trop enraidissante. Nous proposons dans la plupart des cas une réparation ligamentaire sous arthroscopie.

Chirurgie mini-invasive sous arthroscopie

L’arthroscopie est une technique qui consiste à introduire une mini caméra dans le poignet et de traiter toutes les lésions observées sans avoir à effectuer une cicatrice extensive (Figure 10).

Figure 10 : La chirurgie arthroscopique se réalise par l’intermédiaire d’une caméra introduite dans le poignet. Le geste chirurgical est effectué en regardant un écran qui retransmet les images filmées par la caméra.

Nous avons décrit une technique innovante de réinsertion ligamentaire sous arthroscopie qui reproduit parfaitement la technique « classique » à ciel ouvert.
Cette approche arthroscopique associe une capsulodèse à la réinsertion chirurgicale et ne nécessite pas de stabiliser la réparation par un double brochage intracarpien comme cela est décrit en chirurgie « open » (Figure 11).

Figure 11 : Réinsertion sous arthroscopie du ligament scapholunaire

Une immobilisation postopératoire par une attelle segmentaire du poignet est préconisée durant les 6 premières semaines et la rééducation est débutée dès la 6ème semaine.
La technique arthroscopique permet, en diminuant l’invasivité du geste, de faciliter les suites postopératoires et d’éviter les complications classiques des chirurgies conventionnelles comme la raideur du poignet.
Aussi, il semblerait que l’absence de capsulotomie permettrait de diminuer significativement la dévascularisation inhérentes aux chirurgies  « à ciel ouvert » et donc de permettre une meilleure cicatrisation ligamentaire.
La récupération des amplitudes articulaires (mobilités) est la plupart du temps complète, tout comme la restitution de la force de poigne (figure 12).

Figure 12 : Résultats postopératoires (à seulement 4 mois) de la mobilité d’un poignet opéré d’une réinsertion du ligament scapholunaire sous arthroscopie. Difficile de discerner cliniquement le poignet opéré du poignet sain, d’autant qu’il n’existe pas de cicatrice chirurgicale…

En résumé, l’approche arthroscopique constitue, de notre point de vu, le Gold Standard dans la prise en charge des atteintes ligamentaires scapholunaires car lui seul permet une réinsertion optimale du ligament en limitant drastiquement l’invasivité du geste opératoire.

Conclusion

La physiologie articulaire et ligamentaire du poignet est une des plus complexes des articulations de l’homme. Certains phénomènes restent d’ailleurs toujours mal compromis y compris par un chirurgien spécialiste et averti.
Aussi, beaucoup de lésions restent méprisées par des praticiens dont les conséquences sont dramatiques. On se retrouve à devoir prendre en charge des arthroses sévères chez une population jeune, active et sportive.
Il ne faut pas banaliser un traumatisme sous prétexte que les radiographies initiales sont normales. Si des douleurs persistent sans diminuer malgré une immobilisation antalgique bien respectée, il faut savoir prescrire rapidement un arthroscanner.
Le délai jusqu’à la prise en charge chirurgicale d’une lésion ligamentaire est un facteur essentiel: plus le délai est court, meilleures sont les chances de pouvoir procéder à une reconstruction, meilleurs sont les résultats, aussi bien en termes d’indolence, d’amplitude fonctionnelle que de force. L’approche arthroscopique a permis de mieux comprendre la physiopathologie du carpe mais également de mieux analyser les lésions ligamentaires. La miniaturiasation des ancillaires, qui s’adaptent à ces nouvelles techniques, a favorisé l’accessibilité thérapeutique de ces lésions à l’arthroscopie et limite considérablement la morbidité opératoire des chirurgies conventionnelles.
Références

Réinsertion arthroscopique all inside knotless du ligament scapho-lunaire par ancre Bio-PushLocky de 2,5mm (Arthrex) – résultats clinique et radiographiques chez 10 patients à 14 mois de recul. G.Cohen, D.Fontès. Chirurgie de la Main 34(6) : 280, Dec 2015

L’arthroscopie dans les lésions ligamentaires scaholunaires chroniques. G.Cohen. Conférence d’enseignement Société Française d’Arthroscopie, Dec 2016